Pics de naissances dans les Années du Dragon

Le total annuel des naissances à Hong Kong a considérablement diminué au cours des 20 dernières années, le taux de fécondité ayant chuté à 0,9 - en dessous du seuil de remplacement - dans les années 2000. Malgré cette tendance à la baisse sur le long terme, on remarque ponctuellement une augmentation du total annuel de naissances pendant les années du Dragon (1988 et 2000). Les préférences et les croyances folkloriques auraient-elles pu influencer le comportement des futurs parents ?

L'importance de l'astrologie

L'astrologie chinoise est étroitement liée aux sciences naturelles et à la philosophie chinoise. Pendant des siècles, cette façon de penser a imprégné pratiquement tous les domaines de la culture chinoise. Les chinois semblent croire qu'ils ont une certaine affinité avec les animaux de leur année de naissance et que leur caractère ainsi que leur bonne fortune sont sous leur influence mystérieuse.

Le dragon est le seul animal mythique du zodiaque chinois et est également l'un des quatre animaux divins, les trois autres étant la licorne, le phénix et la tortue. Les chinois ont toujours eu une grande affection pour le dragon, qu'ils savent être une créature bienveillante, symbolisant la force et la puissance. Beaucoup se sont même littéralement considérés comme des descendants du dragon.

Selon le folklore traditionnel, l'Année du Dragon est considérée comme un moment propice pour les naissances et les mariages. Au delà des croyances, la préférence pour l'Année du Dragon est ancrée dans la tradition astrologique et on ne peut pas vraiment savoir comment et pourquoi elle a évolué. Dans le cortège du zodiaque chinois, le dragon apparaît une fois tous les 12 ans, et plus récemment en 1988, 2000 et 2012. A Hong Kong, on observe des pointes de fécondité dans les années 1988 et 2000 par rapport aux autres années, ce qui peut s'expliquer par les préférences pour l'Année du Dragon.

Pics de naissance pendant l'Année du Dragon depuis 1976

Le choix de l'Année du Dragon est une décision rationnelle de la part des parents. Comme les couples planifient des familles toujours plus petites, ils deviennent de plus en plus soucieux des qualités potentielles de l'enfant et de son avenir. L'astrologie chinoise estime que la journée et l'heure de naissance (c'est à dire l'animal intérieur) sont importantes dans la détermination du sort d'un nouveau-né. Comme il n'est pas possible pour les futurs parents de choisir le moment de la naissance et donc l'animal intérieur, l'animal de l'année de naissance semble être le meilleur second choix. Ainsi, la préférence pour l'Année du Dragon résulte d'un processus raisonné qui englobe à la fois la satisfaction psychologique personnelle des parents et la persistance des croyances folkloriques dans le monde moderne.

En analysant les données de fertilité de Hong Kong, Singapour et Taïwan au cours des années du dragon de 1976, 1988 et 2000, on observe que les préférences du zodiaque exercent une influence subtile sur le timing des naissances. Les futurs parents semblent opter pour l'Année du Dragon, aucun indice ne sous-entendant l'existence d'une tel enclin pour un autre animal du zodiaque chinois.

Prévoyant des implications potentielles provoquées par la grande cohorte de naissances au cours de la seule année du dragon, Taiwan avait lancé en 1987 une campagne « anti-dragon » pour décourager les futurs parents de projeter une naissance dans l'année du Dragon de 1988. Mais leurs efforts ont été vains et la fécondité en 1988 a augmenté de 9% sans être inférieure à celle de 1976. Cet exemple illustre bien la forte influence culturelle sur le comportement de natalité des populations chinoises.

Pas de phénomène Année du Dragon avant 1976

On peut se demander pourquoi cette préférence pour l'Année du dragon ne s'est pas manifestée avant 1976. Une des raisons avancée serait que la fécondité élevée jusqu'en 1964, ainsi que l'absence de moyens de contraception modernes n'auraient pas permis la planification des naissances dans l'Année du Dragon.

Avant la généralisation de la contraception et la baisse soutenue du taux de natalité, les comportements étaient façonnés par les contextes institutionnels et culturels. Les idéaux de taille de la famille et la notion de planification familiale n'entraient pas en compte. Guidés par leurs croyances traditionnelles, les Chinois ont toujours voulu avoir beaucoup d'enfants. Le vieux souhait chinois "Chance, longue vie et enfants" met en parallèle les enfants avec les concepts de longévité et de bonne fortune que tout le monde souhaitait. Et comme, implicitement, pour les Chinois, "enfants" veut dire "fils", plus un homme avait de fils, le mieux c'était. Cela illustre combien il était important pour les femmes d'avoir beaucoup d'enfants après le mariage.

Les chinois étaient avant tout animés par le désir de donner naissance à des fils bien plus que par des préoccupations de signe astrologique. S'ils avaient fait un choix délibéré pour l'Année du Dragon, la natalité aurait diminué l'année précédente mais, dans un régime de fécondité élevée, il aurait été surprenant que ce phénomène se produise. Comme il n'y avait pas de changement dans le calendrier des naissances, il n'y avait pas de hausse de la natalité dans l'Année du Dragon.

Conclusion

Il semblerait que les croyances folkloriques et préférences culturelles aient toujours eu une influence sur la fertilité de la population chinoise. Avant 1976, les futurs parents, ne faisant pas de choix résolu sur le nombre d'enfants, n'avaient pas de réelles motivations de synchronisation des naissances avec le cycle astrologique. Avec la pratique de la planification familiale et le développement des moyens de contraception, la fécondité a chuté à des niveaux proches ou au-dessous du seuil de renouvellement. La préférence pour l'Année du Dragon a dès lors influencé les futurs parents jugeant ne pas encore avoir atteint la taille idéale pour leur famille, sans affecter le comportement des autres. En définitive, l'élévation du taux de natalité dans l'Année du Dragon correspond à des ajustements dans le calendrier des naissances mais n'a que peu d'effet sur la natalité globale.